Il y a pire que la censure, c’est l’auto-censure
La bien-pensance de quelques individus manipule très bien le ciseau de la censure. Que restera-t-il bientôt de la liberté d’expression ? La société médiatique, mais pas qu’elle, a tendance à choisir ses victimes, les faits qu’il ne faut pas dénoncer et les « dégoûtants » à protéger par des moyens abjects pour éviter toutes controverses. Avec toujours la même conclusion sophiste : prendre la défense d’une personne en raison de sa couleur de peau ou de quelconques fonctions et en condamner une autre. La censure sous peine de l’offense est très dangereuse. Si on ne veut pas être offensé, on doit se couper du monde et vivre dans une grotte. Est-ce qu’il y a vraiment une censure exercée par un camp qui serait celui du bien ? Peut-être que non. Est-ce qu’il n’y a pas, plutôt, une autocensure ? Aujourd’hui via l’antiracisme et les mouvements indigénistes, on peut se poser question sur le boycott que peuvent subir certains groupes ou personnes. Il y a surtout une pression institutionnelle ! En des lieux précis, cette pression est plus puissante que la censure.
On peut alors comprendre que certains acteurs nationalistes/patriotes se taisent et s’autocensurent justement pour éviter la confrontation avec le matraquage idéologique. Je remarque qu’il y a des totems, des sujets sur lesquels on interrompt les voix dissidentes et ça offre parfois des scènes burlesques. Dénoncer la censure s’avère périlleux. Un fléau touche le dialogue. Ce fléau est que nous avons envie de discuter uniquement avec les gens qui sont de notre opinion. Naïvement, en utilisant les réseaux sociaux, nous avons cru que la prostituée allait pouvoir parler avec le ministre et la femme de ménage. Naïvement, nous avons cru en une tectonique des avis et des opinions.
Souvenez-vous, dans les années 2000, on nous parlait des Gafam comme des géants qui allaient porter la liberté d’expression à bout de bras. Aujourd’hui, ce sont les Gafam eux-mêmes qui prennent les dispositions pour censurer ou interrompre les diffusions. Et que dire d’organismes qui prétendent défendre des causes, ils sont bien loin de faire leur boulot ! En échangeant, pourtant, nous avons tout à gagner. L’échange renseigne, avant tout, sur l’idéologie adverse, et, permet de constater que, comme « l’adversaire » s’inscrit dans un contexte idéologique avec des idées qui ne vont pas à contresens du contexte idéologique du moment. Par contre, il faut, souvent, constater le manque d’efforts pour garantir une discussion de qualité. Peut-être parce qu’en fait, celle-ci, peut se faire à leur détriment. Une vérité pourrait éclater dans le brouillard ambiant d’un mensonge imaginaire. En réalité, le dialogue, c’est un rapport de force. Tous les regards sont décalés par le fait que l’on nous apprend qu’on est dans une démocratie dans laquelle il y a l’égalité des temps de paroles et une pluralité de ces derniers. Mais que nenni ! Il faut se créer soi-même son espace.
La parole est une conquête lorsqu’on est du côté opposé à la pensée de quelques gourous manipulateurs. C’est à nous de créer l’espace pour faire en sorte que nos idées puissent être diffusées. L’intellectuel moderne ne discute plus. Il est, en quelque sorte, misanthrope. Au milieu du XVIIIe siècle, les hommes de lettres étaient dotés de rhétorique et non de dialectique. La rhétorique nécessite la vertu alors que la dialectique n’en nécessite aucune. La dialectique est le lieu des sophistes. Ceci est peut-être la cause actuelle de la pauvreté des débats. Le cadre juridique, on le connaît concernant la liberté d’expression. Nous avons le droit de tout dire pourvu qu’on ne verse pas dans l’insulte, pourvu qu’on ne verse pas dans la diffamation, pourvu qu’on ne verse pas dans le mensonge et l’atteinte à l’honneur. Et il faut bien reconnaître que ces derniers temps quelques gourous manipulateurs s’en jouent ouvertement dans leurs intérêts. Il y a un cadre et il est très précis. En dehors de ça cependant, le jugement d’une affirmation ne s’effectue plus par les juges ou les prétoires, mais à la télévision et dans les espaces de discussion. Quelles sont les limites de la liberté d’expression ? Je ne peux pas diffamer individuellement (quoique certains grands gourous ne s’en prive pas !), pour autant, on peut entendre des groupes être diffamés. On peut entendre dire, par exemple, les musulmans font ceci, les musulmans font cela ; les chrétiens font ceci, les chrétiens font cela; que tous les prêtres sont pédophiles, car, oui, il y a eu des prêtres pédophiles, donc tous les prêtres le sont. Actuellement, nous devons composer avec un décalage de la question de la diffamation et on en vient à considérer que la diffamation de l’individu et du groupe ont la même valeur juridique.
Dès lors que nous diffamons un groupe, nous allons au-delà de ce que permet la liberté d’expression. Eh là, ça devient dangereux, parce que dès lors que nous émettons une opinion sur les femmes, par exemple, eh bien dans ce cas-là, nous allons au-delà de la liberté d’expression parce que nous diffamons les femmes et que nous portons atteinte à leur honneur. C’est une logique qui vient nuire à cette liberté. Mais, comment encourager la critique sensée des religions, des idéologies et même des pratiques culturelles et sociales, alors ? On en viendra peut-être, un jour, à quelqu’un qui nous dira que la dénonciation de l’excision est un délit ! Et encore une fois, le curseur, où est-il ? Il est dans l’opinion ? Celle que l’on oriente en fonction de ce curseur. S’il n’y a plus de pluralisme, alors nous ne sommes plus en démocratie.
L’idée de société que nous nous sommes choisis depuis 1789 tombe à l’eau. C’est une mascarade à la solde de manipulateurs divers ! Deuxièmement, s’il n’y a plus de pluralisme, cela signifie que des citoyens sont privilégiés par rapport à d’autres. Qui choisira les bons et les mauvais discours ? Il y a clairement des personnes qu’on ne peut pas attaquer, des groupes qu’on ne peut pas questionner, des idéologies qu’on ne peut pas critiquer. Dire que Mahomet fut pédophile fait de nous des mythomanes. Je pense que la relative liberté de parole existe, on a la possibilité d’ouvrir notre bouche. La censure est davantage de l’ordre de la représentation, sans rentrer dans les cas particuliers, la population n’a pas une restriction marquée de sa liberté d’expression, mais plus une sensation. « Nous ne pouvons plus rien dire » au travers de l’évolution de nos références culturelles et sociales, en voyant qu’on remanie les titres des livres, retire des pâtisseries, renomme les rues ou déboulonne des statues. Ça va être quoi la résultante de tout ça, selon vous ?
Derrière la crise des « libertés » se cache la crise de l’identité, justifiant ainsi une absence de réponses de la part des Français. Avant la Révolution, la culture classique ne voit aucune vertu en la tolérance. « La tolérance consiste, dans une large mesure, à ne pas être sévère sur les choses légères pour éviter que les choses plus graves se produisent. » (définition fournie par saint Thomas d’Aquin). Bossuet condamne la tolérance et l’intolérance, mais le risque, c’est que beaucoup, pour éviter l’intolérance, se mettent à tomber dans son vice opposé : la tolérance. L’intolérance comme la tolérance sont considérées toutes deux comme des vices. Bossuet, Sixième Avertissement aux Protestants : « Il vous faudra avaler tout le poison de la tolérance. » Faut-il, pour autant, considérer qu’il ne faut pas suivre Platon, que la masse est dans l’erreur ?
Lorsqu’on a vraiment l’instruction, la définition de « tolérance », on s’en inquiète ! Jean-Jacques Barthélémy disait : « l’indulgence pour le vice est une conspiration contre la vertu ». Ce rejet du pluralisme, alors même qu’il se veut au service du vivre-ensemble, est un rejet de l’altérité dans ce qu’elle a de merveilleux. En tout cas, ce qu’on nous vend comme étant merveilleux. Et c’est assez inquiétant parce que ça justifie donc toutes les censures qui ne sont pas nécessairement des censures juridiques. La censure peut frapper différemment. Nous sommes tellement confits dans le confort de cette vie un peu désagréable, mais matériellement acceptable. Nous sommes confits dans un confort qui nous rend acceptable l’idée qu’on va se plaindre : on va se plaindre de ne pouvoir rien dire, on va se plaindre de ne pouvoir se réunir, on va se plaindre de ne pouvoir avoir nos héros, nos représentants, parce que c’est une posture qui nous déresponsabilise.
Le fait d’être dirigé est la première étape du confort. En se laissant guider, la masse ne se sent pas responsable des choix. Les citoyens n’ont pas encore bien mesuré le décalage qu’il y a entre ce qui nous est présenté comme des institutions très perfectionnées et la réalité politique des pratiques. Les débats se déroulent, souvent, dans des cercles partageant la même idéologie, avec une expression cadrée, on ne sort pas de ce cercle. La fenêtre d’Overton. On peut s’exprimer librement seulement dans le cadre de cette fenêtre. Les gens croient entendre une pluralité, mais elle part d’un certain nombre de principes qui sont tous les mêmes. La parole alternative, radicalement alternative, n’est accessible que sur des lieux d’informations non officielles et ne s’adressant pas aux masses. De plus, certains gourous manipulateurs, s’arrangent pour que ça ne soit, surtout, pas le cas ! Peut-être n’avons-nous, tous simplement, pas conscience du fait que la vraie liberté de parole et de débat n’a plus lieu ? Tellement, elle est grignotée progressivement par quelques manipulateurs « vendeurs de promesses ».