Les dégoûtés et les dégoûtants – Chapitre 36 – Les enfants grecs et le Minotaure soviétique

Si la crise covid fut l’occasion pour quelques excités du bulbe de se montrer très prévenant envers les enfants, c’est, relativement, dommage qu’ils « oublient » ceux d’une autre crise entre 1946 et 1948…

Pendant la guerre civile de 1946 à 1948, les communistes grecs recensèrent dans toutes les zones qu’ils contrôlaient les enfants des deux sexes de trois à quatorze ans. En mars 1948, ces enfants furent rassemblés dans les régions frontalières et plusieurs milliers furent conduits en Albanie, en Yougoslavie et en Bulgarie. Les villageois tentèrent de soustraire leurs enfants en les cachant dans les forêts. La Croix-Rouge, au prix de mille difficultés, en dénombra 28 296. À l’été 1948, une partie des enfants (11 600) qui étaient retenus en Yougoslavie furent transférés, malgré les protestations du gouvernement grec, en Tchécoslovaquie, Hongrie, Roumanie et Pologne. Le 17 novembre 1948, la IIIᵉ Assemblée de l’ONU prit une résolution condamnant l’enlèvement des enfants grecs. En novembre 1949, ce fut l’Assemblée générale de l’ONU qui réclama le retour des enfants. Toutes les décisions suivantes de l’ONU restèrent, comme les précédentes, sans réponse : les régimes communistes voisins s’obstinaient à prétendre que ces enfants trouvaient de meilleures conditions de vie chez eux plutôt qu’en Grèce même ; bref, ils voulaient faire croire que cette déportation était un acte humanitaire.

Pourtant, l’exil forcé des enfants se déroula dans de telles conditions de misère, de sous-alimentation et d’épidémies que beaucoup moururent. Regroupés dans des « villages pour enfants », ils devaient suivre, des cours d’instruction politique en plus de l’instruction générale. À partir de treize ans, ils étaient contraints d’effectuer des travaux de force, par exemple de défrichement dans les régions marécageuses en Hongrie. L’arrière-pensée des dirigeants communistes était de former une nouvelle génération de militants absolument dévoués. L’échec fut patent : en 1956, un Grec nommé Constantinidès devait tomber aux côtés des Hongrois en combattant contre les Russes. D’autres réussirent à fuir l’Allemagne orientale.

Entre 1950 et 1952, seulement 684 enfants furent rendus à la Grèce. En 1963, environ 4 000 enfants (dont certains nés dans les pays communistes) avaient été rapatriés. En Pologne, la communauté grecque comptait plusieurs milliers de membres au début des années quatre-vingt. Quelques-uns adhérèrent au syndicat Solidarnosc et furent emprisonnés après le coup d’État du général Jaruzelski. Après 1989, avec la démocratisation en cours, plusieurs milliers de ces Grecs de Pologne retournèrent en Grèce. (La Question grecque devant les Nations unies, rapport de la commission spéciale pour les Balkans, 1950).